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Tourisme

Risques sanitaires des bains à remous

Suite au rapport d’expertise publié par l’Anses fin mars 2013 et portant sur la réalisation de l’évaluation des risques sanitaires (ERS) liés aux baignades publiques non encadrées par la directive européenne 2006/7/CE relative à la qualité des eaux de baignade, Géraud Dorchies, ingénieur et hygiéniste, revient pour Aquæ sur l’aspect sanitaire (risques, volet réglementaire) des bains à remous.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé dans son guide de recommandations sanitaires sur les eaux récréatives paru en 2006, les principaux risques dans un spa sont ceux d’ordre physique, chimique et biologique.
Les trois risques
La zone « humide » qui regroupe les équipements techniques d’hydrothérapie est considérée comme la plus sensible. Si des précautions ne sont pas mises en place, elle peut être à l’origine de risques sanitaires plus ou moins graves, qui concernent directement l’exploitant et le spa manager.
gd angle

Le risque physique correspond principalement aux blessures occasionnées lors des chutes à cause d’un sol rendu glissant. La faible hauteur d’eau des bassins explique la rareté des noyades hormis pour certaines populations à risques : enfants de moins de douze ans ou adultes souffrant de troubles cardiaques ou épileptiques.
Le risque chimique est lié au contact du corps humain avec les produits utilisés pour la désinfection de l’eau ou le nettoyage des abords de bassins. En cas de forte dose, l’intoxication dite aiguë peut survenir par inhalation des gaz produits lors d’un mélange accidentel de composés non compatibles par exemple.
Lors de contacts répétés avec doses très faibles cette fois, l’intoxication est qualifiée de chronique. Elle est très courante à proximité des bassins avec les sous produits de désinfection dit « SPD ». Vis à vis de ces polluants intérieurs, Il est donc important de veiller à la ventilation permanente des locaux et à l’entretien régulier de la centrale de traitement de l’air (CTA). Le respect des règles d’hygiène par les baigneurs ainsi qu’une filtration efficace et des apports suffisants d’eau neuve contribuent à prévenir la formation de ces sous-produits indésirables dans l’air des bassins.
Le risque biologique est donc le risque majeur à bien maitriser. Il est lié à des micro-organismes pathogènes présents dans l’eau ou l’air sous forme d’aérosols (gouttelettes en suspension dans l’air). En fonction de leur nature et de la réponse du système immunitaire de l’usager, l’organisme humain peut être alors victime d’infections : d’une simple dermatose assez bénigne, comme la folliculite à une maladie respiratoire, plus grave comme la légionellose, dont la déclaration est obligatoire aux autorités de santé publique.
Un problème de santé publique
Les folliculites sont souvent provoquées par Staphylococcus aureus ou Pseudomonas aeruginosa. L’inflammation du système pilosébacé apparaît en moyenne dans les 48 heures après la baignade. Des cas groupés d’éruptions cutanées chez les clients d’un hôtel ont fait l’objet d’un rapport d’investigation en 2006 par l’InVS (Institut de Veille Sanitaire).
Au Canada, une étude de l’Institut national de santé publique du Québec dans 95 spas publics en 2008 avait détecté un taux préoccupant de bactéries dans 25 % les bassins prélevés. Cette étude scientifique publiée en 2012 a décrit une proportion de 41 % de bains à remous contaminés par Pseudomonas aeruginosa, 22 % par Legionella spp. et 2% par Escherichia coli. Cette dernière espèce bactérienne n’est pas recherchée pour sa pathogénicité mais parce qu’elle témoigne du niveau de propreté des bassins et représente donc un indicateur de contamination fécale.
Par exemple à Paris en 2010, la découverte de staphylocoques dorés (Staphylococcus aureus) dans la piscine du spa d’un palace des Champs-Elysées à Paris avait fait l’objet d’une médiatisation des résultats d’analyses ponctuellement non conformes. La même année, le bain à remous tout neuf d’un spa – institut de beauté avait provoqué trois cas de légionellose dont un mortel par la diffusion de bactéries dans l’air des locaux. Ce dossier contentieux avait entrainé plusieurs mois de fermeture pour l’établissement et un volet judiciaire avec les victimes parties civiles.
Cette affaire avait provoqué une question écrite d’une députée des Ardennes à l’assemblée nationale sur les modalités d’ouverture « des jacuzzis et des spas et plus précisément sur les autorisations nécessaires afin de pouvoir créer une telle structure ». Les bactéries du genre Legionella peuvent engendrer un symptôme grippal à l’issue généralement favorable (fièvres de Pontiac) et parfois une pneumopathie sévère, dont la létalité atteint 11% des cas. Face à ce problème de santé publique, l’année 2010 avait vu la publication de deux textes réglementaires importants pour les gérants de spas avec deux circulaires de la Direction Générale de la Santé (DGS) dans le domaine du risque légionnelles.
La responsabilité du gérant
Légalement, Il faut garder à l’esprit que la responsabilité du gérant serait engagée en cas de contamination d’un client au sein de son établissement recevant du public (ERP). Concrètement la déclaration d’ouverture d’un établissement doit être adressée en mairie au plus tard deux mois avant la date prévue de l’ouverture ou de la modification de l’installation. Un exemplaire de cette déclaration sera fourni à l’Agence Régionale de Santé (ARS).
Les contrôles « légionelles » des ARS ont démarré dans le secteur hospitalier pour les patients, puis dans  le secteur touristique en 2011. Une analyse positive dépassant le seuil légal peut provoquer la fermeture de l’établissement concerné. Ceci peut avoir un fort impact économique surtout si l’activité est saisonnière : hôtellerie de plein air, station thermale. Afin de garantir la sécurité, les professionnels des produits thermaux ont ainsi créé la certification Aquacert. Cette démarche utilise la méthode d’analyse des dangers et la recherche de points critiques pour leur maîtrise dit système HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point). Désormais, en plus des établissements thermaux, cette certification peut concerner les centres thermoludiques et aquatiques, la thalassothérapie, la balnéothérapie hospitalière, les spas et les piscines publiques ou médicalisés des centres de rééducation.
Les raisons d’une potentielle prolifération bactérienne dans les bains à remous sont liées aux conditions qu’ils offrent : la température entre 32 et 40°C, l’agitation – aération de l’eau provoquant une évaporation partielle du désinfectant, l’apport de matières organiques (sueur, peaux mortes,…) variant selon le niveau d’hygiène des baigneurs et le rapport forte fréquentation pour un faible volume d’eau. Contrairement à une baignoire de balnéothérapie vidée, nettoyée et désinfectée après chaque client, ce type de bassin possède un système de recyclage et filtration dont la capacité technique ou la maintenance sont parfois défaillants.
Des recommandations simples peuvent être données pour les bains à remous : limitation du nombre de baigneurs, entretien quotidien, respect de la réglementation, mise en place d’un carnet sanitaire et interdiction de l’accès aux baigneurs présentant une dermatose, ainsi que l’information (procédures et protocoles de nettoyage) et la formation du personnel.
Surveillance et maîtrise sanitaire
Les risques des bains à remous ont fait l’objet d’un rapport publié en 2013 par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Cette expertise scientifique, pluraliste et indépendante influencera certainement les futures dispositions réglementaires. Les principales propositions de ce rapport portent sur : l’hygiène des baigneurs, l’agencement, l’entretien des locaux et la qualité de l’eau. Sur ce dernier point, les rapporteurs proposent d’imposer une vidange journalière contre une vidange hebdomadaire actuellement en vigueur. Vis-à-vis de la qualité de l’air, la zone possédant des bassins pourrait être considérée comme un local à pollution spécifique avec la nécessité d’une forte évacuation d’air (60m3/heure/ occupant).
Avec la popularité grandissante des spas, il est nécessaire de poursuivre les efforts et les bonnes pratiques d’hygiène concernant ce type de bassin nettement différent des piscines.
Cette réflexion sur la gestion du risque sanitaire est à mener de la conception jusqu’à l’exploitation quotidienne d’un spa. Toutes les activités d’information et de formation du personnel, les normes, les labels et certificats de qualité sont des démarches nécessaires pour une meilleure surveillance et maîtrise sanitaire des bains à remous.

Lire aussi :  Un des trésors de Vienne : la pureté de ses eaux

Le dossier dans l’espace documentaire avec la réponse de la DGS et l’interview de Jean-Jacques Gauthier, président de SPAS

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