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Tourisme

Le contexte de la norme NF « spas de bien-être » et ses critiques

Face aux nombreuses polémiques, portant sur l’élaboration de la norme NF sur les « spas de bien-être », qui ont éclaté ces derniers mois, Aquæ a souhaité revenir sur les différents aspects qui entourent le document ainsi que sur les points critiques le plus souvent évoqués par certains professionnels. Entretien avec Emmanuel Husson, chef de projet en normalisation à Afnor.

La norme NF « Spas de bien-être » est un texte parmi d’autres. S’il est actuellement le plus médiatique par les multiples réactions qu’il suscite, il n’est pas le seul document de référence sur lequel travaille la commission ST02 « tourisme de bien-être » d’Afnor. Constituée en 2010, elle est en fait une commission française ainsi qu’une commission « miroir ».

Aquæ : En quoi consiste le programme de la ST02 ?

Emmanuel Husson : La commission de normalisation CNST02 « Tourisme bien-être » chapeaute un ensemble de travaux portant sur les secteurs d’activités fournissant des soins de beauté/bien-être dans des centres spécialisés (hors soins thérapeutiques). Elle a vocation à élaborer des normes nationales, comme la norme NF, sur les « spas de bien-être » mais elle est aussi la commission miroir de projets ISO et européens. Près d’une dizaine de projets constitue son programme de travail.

A : Qui en est à l’origine ?

E.H. : Initialement des syndicats professionnels issus du monde du spa et de l’esthétique, et des exploitants d’instituts de beauté et de spas. Ils souhaitaient réfléchir à l’élaboration de référentiels normatifs pour structurer leur marché. Comme vous le savez, la réglementation est aujourd’hui un peu vieillissante voire obsolète, c’est un secteur qui est très jeune dans cette démarche de normalisation, de vouloir co-construire, puisqu’il n’existe pas encore de documents de référence.

A : Comment s’organisent les travaux du programme ?

E.H. : Ils s’articulent en plusieurs projets : des franco-français avec celui sur la norme phare dédiée aux « Spas de bien-être » et un autre portant sur les « Soins de beauté et de bien-être » décliné en plusieurs parties. Ensuite on a des travaux internationaux, issus du programme de travail ISO « Tourisme de santé » constitué de 3 projets. Et enfin européens, le projet de norme « Beauty Salon Services » relative aux instituts de beauté et celle sur les « Services de bronzage en cabine ».

A : Plus spécifiquement, sur quoi portent les 3 projets de normes internationales ISO ?

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E.H. : Avant toute chose, il faut rappeler que sur les 3 projets de norme, un seul est suivi par les experts français : le projet du Project Group 3 « Spa de bien-être » (PG3). Pour les deux autres, PG2 « Thalassothérapie » et PG1 « Spas médicaux », la France a fait le choix de ne pas suivre ces travaux. Pour en revenir au PG3 « Spa de bien-être », il s’agit d’un projet coanimé par Jean-Eric Knecht [Elégance Groupe, NDLR] et par la Thaïlande. La norme devrait être prochainement lancée au stade de l’Enquête Publique.

A : Pourquoi n’y a-t-il pas de participation française sur le volet Thalassothérapie de l’ISO ?

E.H. : Ce sont les membres du groupe de travail « Tourisme de santé » qui décident d’inclure dans le programme de travail, telle ou telle thématique. Quand Afnor leur a proposé ce sujet d’étude à l’international, ils ont estimé que cela ne rentrait pas forcément dans le domaine d’application de la commission.

A : Sur la norme NF sur les spas de bien-être, qui fait actuellement polémique, que répondez-vous aux professionnels qui regrettent le manque de représentativité des exploitants spas dans la commission ?

E.H. : Effectivement c’est une remarque que l’on a beaucoup observée. Il est important de rappeler que les règles de normalisation qui régissent nos activités sont très claires et ont été respectées. Sur la question de la représentativité, il faut savoir qu’à l’origine de la conception de la commission ST02, un appel à expertise a été lancé pour constituer un panel d’experts le plus large possible. Ensuite Afnor a organisé des journées de « découverte » sur la normalisation et sur la thématique suivie. Ça c’est pour les démarches opérées en amont. Une fois que le groupe est constitué, rien n’est figé puisque chaque organisme est libre à tout moment d’intégrer une commission de normalisation en cours d’élaboration. La ST02 comprise. S’il y a un message à faire passer à vos lecteurs, c’est qu’ils sont tous invités à venir prendre part au débat, c’est en commission que se fait une norme, sinon, vous savez ce que disent les Anglais, « si vous n’êtes pas au restaurant pour choisir le menu, c’est vous qui êtes au menu ».

A : Ainsi qu’à ceux qui estiment que le texte assimile le spa à un institut de beauté ?

E.H. : Encore une fois, il y a des représentants du spa dans la commission et des représentants des instituts de beauté, chacun est libre d’intégrer cette commission. La norme spa fait appel à un consensus large puisque c’est une norme NF, et qui dit norme NF dit norme soumise à Enquête Publique, durant laquelle n’importe qui peut répondre en ligne et donner son avis. On est vraiment resté dans une logique de consensus pour que ce texte soit ouvert à tous et que son aboutissement soit cohérent.

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A : Pourquoi ne pas avoir gardé les deux groupes de travail distinguant les deux activités ?

E.H. : Initialement il y avait en effet deux groupes d’experts : un sur les spas et un autre sur les soins de bien-être. Ils avaient été constitués pour distinguer des travaux qui étaient différents dans leur contenu. Mais il y a eu des difficultées rencontrées dans l’atteinte du consensus, il a donc été décidé, en décembre 2012, de dissoudre ces deux groupes et de réunir l’ensemble des experts au sein de la commission qui était déjà existante. Cela afin d’avoir des travaux qui se passent avec l’ensemble des experts de la commission dans un cadre un peu plus serein.

A : Selon nos sources, tous les participants se seraient acquittés d’un coût de participation avant l’ouverture des travaux de la commission. Pourquoi, puisque le décret de 2009 exonère les PME de – de 250 salariés ?

E.H. : Ce qui est sûr c’est qu’on a un décret de 2009 qui est très clair sur les activités de normalisation et qui dit que lorsque l’on est une PME de moins de 250 salariés et réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros, on est exonéré des coûts de participation. Maintenant même si on correspond à ces critères, on peut décider de participer aux travaux en réunissant les conditions financières à la réalisation d’une norme. Il faut savoir que les financements permettent d’assurer le budget de fonctionnement d’une commission couvrant différentes prestations telles que l’organisation des réunions, la publication des documents, etc. Si, sur un sujet bien précis, on se rend compte qu’on a des difficultés à trouver les financements nécessaires étant donné qu’il n’y a que des PME exonérées, mais que les experts veulent néanmoins que la norme aboutisse et qu’elle soit développée, ces derniers peuvent alors décider de financer le pilotage des travaux à hauteur de la somme qu’ils souhaitent, sachant que sans financement, une norme ne peut être réalisée. Il n’y a pas de critères pour voir le projet aboutir, tout simplement. Mais en aucun cas Afnor n’impose un paiement à qui que ce soit.

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A : Certains experts annoncent cette norme comme inapplicable. De telles critiques peuvent-elles remettre en question la publication de la norme NF X50-843 ?

E.H. : Comme je vous le disais, dans le cadre de l’élaboration d’une norme, il faut trouver un consensus, c’est-à-dire qu’il ne faut pas qu’il y ait de point de divergence bloquant un projet. Lorsque le consensus est atteint entre les membres de la commission, mais également en prenant compte des commentaires émis lors des différentes consultations, le document peut alors être considéré comme suffisamment mature pour une publication. C’est aux membres d’en décider.

A : Quel est l’enjeu réglementaire de la norme NF et quel est son intérêt pour l’ensemble des professions concernées ?

E.H. : Une norme NF est d’application volontaire et ne se substitue en aucun cas à la réglementation. Les professionnels qui veulent l’utiliser pour structurer leur activité l’utilisent, ceux qui ne souhaitent pas l’utiliser ne l’utilisent pas. Ensuite, ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est qu’une norme est un document qui vit, à la différence d’une loi, c’est-à-dire qu’environ tous les 5 ans, les membres doivent décider de sa révision ou de sa confirmation. Nous sommes dans un travail itératif. Pour ce qui est de leur intérêt, les normes appartiennent aux professionnels qui les ont décidées, ce sont donc eux qui sont les garants.

A : La norme ISO « Spa de bienêtre », une fois publiée, pourrait-elle se substituer à la norme NF ?

E.H. : On peut le pressentir mais on n’est pas encore au stade de la publication de la norme ISO, la question ne se pose donc pas encore. Si une norme européenne devient forcément une norme NF EN, les normes européenes étant obligatoirement reprises dans la collection nationale, il n’en va pas de même pour une norme ISO puisque la décision en revient à la commission. On pose alors la question aux experts français de la commission à savoir si la norme ISO doit être dans la collection. Auquel cas, s’ils veulent l’inclure, comme il ne peut y avoir deux textes sur la même thématique, la norme ISO viendra en effet remplacer la norme NF.

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