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Société

#Coronavirus, le décryptage de Me Desmarais : la validité du consentement

 

Avocat en droit du numérique et de la santé, Pierre Desmarais accompagne les établissements et industriels de santé dans l’élaboration de leurs projets numériques. Certifié ISO27001 et ISO27005, il se focalise plus particulièrement sur les problématiques de sécurité du système d’information. Durant la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19, Me Desmarais suit avec attention les nombreuses mesures prises par le gouvernement, influant régulièrement sur le cadre juridique. Il apporte, aux lecteurs d’Aquæ, un éclairage sur les ordonnances prises et leurs applications.


Le COVID-19, la psychologie cognitive et le gouvernement

Certains crieront peut-être au complotisme, mais la crise sanitaire a des allures d’expérimentation grandeur nature pour le gouvernement. Un exemple technologique rapide : le recours à des drones de surveillance pour contrôler le respect du confinement. Certains s’inquiètent d’autant plus, sur ce dernier point, qu’en parallèle le ministère de l’Intérieur a lancé un appel d’offres pour l’acquisition de drones de différentes catégories, dont certains pourraient être utilisés à des fins peu compatibles avec certaines libertés.

Mais la plus grande expérimentation ne se situe-t-elle pas sur le terrain de la psychologie cognitive ? 

Une analyse de la communication gouvernementale pour susciter l’adhésion de la population au confinement suggère un recours au « nudge ». Quésaco ? Ce terme anglais désigne un ensemble de techniques, reposant sur des principes acquis de psychologie cognitive, permettant de « modifier de façon prévisible le comportement des gens sans interdire aucune option ou modifier de façon significative les incitations financières » . Dans la vie quotidienne, tout un chacun est confronté au nudge. L’exemple type : les promotions commerciales qui utilisent le biais d’ancrage pour faire acheter plus de produits que nécessaire.

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Le nudge est également utilisé dans la communication politique. L’administration Obama y a eu abondamment recours et, vraisemblablement, le gouvernement français y recourt dans le cadre de la crise du COVID-19. L’exemple type : l’attestation dérogatoire de déplacement.

Outre des griefs sur le contenu du document – théoriquement, l’heure ne devrait être inscrite que pour le déplacement pour le sport –, on peut reprocher au ministère de l’Intérieur d’avoir interdit pendant plusieurs semaines sa dématérialisation. Mais l’affaire est réglée, Beauveau a mis en ligne un service de dématérialisation. Certes. Mais pourquoi ne pas avoir permis d’enregistrer les informations ? Pourquoi la version papier reste-t-elle à usage unique ? Dans un cas comme dans l’autre, pour contraindre les utilisateurs a une action. Grosso modo, on table sur le fait que compléter le document va dissuader les sorties les moins utiles.

Pas bien grave, me direz-vous.
Effectivement.

Mais lorsque le gouvernement promet que StopCovid sera mis en place sur la base du consentement des personnes, pour justifier l’atteinte aux droits fondamentaux, et que l’isolement des personnes en contact, lors du déconfinement, sera volontaire, le recours au nudge – ici, la pression sociale liée au non-respect de la consigne – devrait alimenter un vrai débat juridique.

En matière de protection des données personnelles, le Règlement général sur la protection des données impose que le consentement soit libre, éclairé et spécifique. Sur le premier point, le texte précise que « le consentement ne devrait pas être considéré comme ayant été donné librement si la personne concernée ne dispose pas d’une véritable liberté de choix ou n’est pas en mesure de refuser ou de retirer son consentement sans subir de préjudice ». La présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés l’a rappelé à plusieurs reprises, lorsqu’elle a pris la parole sur le sujet du contact tracing. Mais l’hypothèse envisagée alors était celle d’un volontariat qui aurait permis de réduire la durée ou la rigueur du confinement pour les personnes « consentantes ».

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Le principe de liberté du consentement se retrouve, plus généralement, en droit des contrats.

Quid alors si le gouvernement devait mettre en place une communication ou des méthodes reposant sur le nudge, pour s’assurer que le seuil d’efficacité théorique du contact tracing – a minima 60 %, semble-t-il – soit atteint ? pour s’assurer de l’isolement volontaire prophylactique de personnes ? Reprenons la définition du nudge pour bien saisir la problématique. Quid si le gouvernement devait mettre en place une communication de nature à « modifier de façon prévisible le comportement des gens sans interdire aucune option ou modifier de façon significative les incitations financières » pour faire télécharger StopCovid ou imposer l’auto-confinement ? Pourrait-on admettre la liberté – et, consécutivement, la validité – du consentement ?

Admettons que le gouvernement s’engage dans cette voie, quid de l’utilisation de ces techniques après la fin de la crise sanitaire ?

© Aquae Panorama / Faust Favart

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