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Du T-shirt à l’océan, le long périple de Georges, microplastique ordinaire


Georges est un microplastique ordinaire
. Il est certes plutôt petit pour son âge (0,7 mm), mais il devrait vivre au moins 20 ans, comme la majorité de ses congénèresNé de l’amour de deux fibres synthétiques, il a passé la majeure partie de sa vie, entouré de compatriotes, sur un T-shirt en polyester gris. Avec lui, il a tout connu : la transpiration pendant les longues séances de running dans les parcs, les heures à attendre dans un bac à linge sale, les multiples passages en machine à 40° à se serrer les coudes avec les autres habitants du T-shirt pour résister au tourbillon infernal du tambour, les longues minutes à se détendre sur un étendoir à linge en attendant de pouvoir recommencer son cycle de vie. Transpiration, bac à linge, machine, étendoir. Transpiration, bac à linge, machine, étendoir. Jusqu’au jour où Georges a été abandonné par son T-shirt en polyester… 

Première étape : le réseau d’assainissement 

Ce jour-là, la séance de running a été particulièrement intense, et le traditionnel passage en machine post entraînement est devenu la lessive de trop. Le tambour du lave-linge s’est mis, comme d’habitude, à tourner de plus en plus vite. Et Georges, épuisé, ne tient plus le coup. Ses amis lui crient : « Accroche-toi ! C’est bientôt fini, nlâche pas si près du but ! ». Mais rien à faire. À bout de force, le microplastique se retrouve dans l’eau, à naviguer à travers le tuyau de vidangeL’avantage, c’est qu’il n’est pas seul : la « machine de trop » a sonné le glas pour des centaines de milliers de microplastiques. Une communauté adépart d’un long voyage dans l’inconnu. 

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Un voyage qui commence dans les égouts, où le groupe se retrouve mêlé à d’autres plastiques bien plus grands qu’eux : les macroplastiques. Le trajet semble interminable à travers les canalisations du réseau d’assainissement, mais après s’être laissé porter pendant de longues minutes, Georges atteint enfin un grand bâtiment rempli de cuveset de grilles : la station d’épuration.  

Deuxième étape : la station d’épuration 

Georges se dit qu’il va pouvoir se reposer une fois sorti de l’eau, qui n’est pas son élément de prédilectionMais le destin en a décidé autrement. Le destin… ou plutôt les procédés de la station d’épuration. Pendant des heures, il passe, avec les microplastiques et les macroplastiques autour de lui, par toutes les étapes de traitement des eaux usées : dégrillage, dessablage, dégraissage, traitement biologique, clarificateur.  

Une grande majorité des grands plastiques (et même certains de ses amis de petite taille) restent coincés dans les grilles et tamis. Mais Georges a de la « chance » (enfin, si vous lui demandez, il s’agit plutôt de malchance, car il aurait bien aimé s’arrêter là…) : il est plus petit que la moyenne et passe entre les mailles de tous les filets. C’est grâce à (ou à cause de) cette caractéristique qu’il va quitter la station d’épuration pour entreprendre létape suivante de son voyage : la rivière. 

Dernière étape : bienvenue dans la nature 

Pendant près de deux semaines, Georges navigue tranquillement. Dans la rivière d’abord, dans un cours d’eau plus grand et mouvementé ensuite. Des poissons passant par-là lui apprennent que c’est un fleuve. Georges commence à trouver le temps long, mais les poissons lui disent d’être patient. Au bout du cours d’eau, la vue vaut le coup. 

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Les éléments vont alors mettre leur grain de sel. Un soir, il commence à pleuvoir. Plus les heures avancent, plus il pleut. Et plus il pleut, plus le fleuve monte et s’écoule rapidementLa course s’accélère vraiment, et quand Georges arrive au bout du fleuve, il se dit effectivement que ça valait le coup d’attendre. Il vient d’arriver dans l’océan.  

Au début, Georges est un peu perdu, mais il se rend compte rapidement qu’encore une fois il n’est pas seul. Des millions de microplastiques, comme lui, cohabitent avec les espèces aquatiques. Il découvre même, au fil d’une conversation avec une fibre synthétique, qu’il existe un continent tout entier où ne vivent que des plastiques et des déchets. Le « vortex de déchets du Pacifique Nord ». Il se dit qu’il se sentirait peut-être chez lui là-bas. Le début d’un nouveau périple…  

 

La vie de Georges est tirée de faits réels et des histoires comme la sienne, il y en a plein d’autresSelon une étude de l’université de Plymouth, une lessive de 6 kg peut libérer 700 000 fibres. Autre chiffre alarmant : d’après un rapport de l’organisation Ocean Wisece sont 878 tonnes de Georges qui finiraient chaque année dans les océans. Une source de pollution majeure qui se trouve bien souvent ingérée par des organismes marins. Avant de finir sa course, joie de la chaîne alimentaire, dans nos estomacs. Un rapport du WWF, le Fonds mondial pour la nature, estime qu’un individu peut absorber 5 grammes de plastique par semaine en moyenne. De quoi faire réagir l’OMS (Organisation mondiale de la santé), qui a récemment appelé à renforcer la recherche sur les microplastiques et à prendre des mesures énergiques contre la pollution par le plastique.   

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