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Quand les éruptions volcaniques provoquent des tsunamis

Alexis Bougouin, Université Clermont Auvergne (UCA); Olivier Roche, Université Clermont Auvergne (UCA) et Raphael Paris, Université Clermont Auvergne (UCA)

Les « écoulements pyroclastiques » sont des avalanches volcaniques composées de morceaux de lave solidifiée et de gaz chauds. Lorsqu’ils entrent dans la mer, ils peuvent générer des tsunamis, appelés « tsunamis volcaniques ». Comme leurs cousins déclenchés par des séismes sous-marins, ils peuvent être particulièrement meurtriers sur les côtes.

Ce type de tsunami a récemment été observé en mer des Caraïbes et en mer Méditerranée, lors des éruptions de la Soufrière de Montserrat en 1997 et 2003 et du volcan Stromboli en 2019. Un exemple historique est l’éruption du volcan Krakatau survenue en 1883 causant plus de 36 000 morts. Lors de cette éruption, des écoulements pyroclastiques sont entrés dans l’océan Indien provoquant le déferlement de plusieurs tsunamis sur les côtes indonésiennes avec des vagues de plusieurs dizaines de mètres. L’impact des tsunamis volcaniques sur les côtes environnantes n’est donc pas anecdotique, d’autant que les systèmes de prévention sont généralement développés sur la détection de séismes sous-marins, qui représentent la principale cause de tsunamis.

Un volcan en bord de mer

Lorsqu’un tel volcan entre en éruption, divers phénomènes peuvent conduire à la formation de tsunamis volcaniques : glissement de terrain, explosion subaquatique, séisme, effondrement de caldera, écoulement pyroclastique.

Bloc de corail arraché du récif par le tsunami généré par des écoulements pyroclastiques lors de l’éruption de 1883 du volcan Krakatau (Indonésie).
Raphaël Paris, Université Clermont-Auvergne, Author provided

Lors des éruptions explosives, l’évacuation du magma est rendue difficile par l’importante viscosité liée à sa forte teneur en silice. Contrairement aux éruptions effusives, on n’observe donc pas de coulées de lave, mais des « écoulements pyroclastiques ». On parle également de nuées ardentes qui représentent un type particulier d’écoulement faisant référence à l’éruption de la Montagne Pelée en Martinique en 1902. Les écoulements pyroclastiques se forment généralement par l’effondrement du dôme de lave ou du panache de téphras projetés dans l’atmosphère. Ces mélanges de gaz et de téphras à haute température se propagent à des vitesses allant jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres à l’heure, touchant ainsi des zones situées à plusieurs kilomètres du centre éruptif. Les écoulements pyroclastiques se différencient des éboulements rocheux par leur importante mobilité, due au piégeage de gaz par les cendres fines. Ainsi, les téphras sont partiellement supportés par le gaz, ce qui a tendance à réduire le frottement au sein de l’écoulement. Les écoulements pyroclastiques peuvent donc facilement atteindre la mer et générer des tsunamis.

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Que se passe-t-il quand un écoulement pyroclastique entre dans l’eau ?

Pour comprendre la naissance des tsunamis liés aux éruptions volcaniques, on les recrée en laboratoire.
Alexis Bougouin, Author provided

Afin d’améliorer la compréhension des tsunamis générés par les écoulements pyroclastiques, nous avons développé un dispositif expérimental dans notre laboratoire : c’est un canal transparent de 7 mètres de long et 20 centimètres de large. Des billes de verre sont placées dans un réservoir, puis soudainement libérées par l’ouverture d’une trappe. Les billes s’écoulent sur une rampe inclinée, ce qui a pour but de représenter un écoulement pyroclastique dévalant les flancs d’un volcan, avant d’entrer dans l’eau. En fait, notre modélisation expérimentale ne représente que la région inférieure dense de l’écoulement pyroclastique, qui contribue principalement dans la génération de tsunamis. Le nuage supérieur dilué, appelé « déferlante pyroclastique », a tendance à se propager à la surface de l’eau et n’intervient pas dans le processus de génération.

L’originalité de notre dispositif réside dans l’astuce permettant de « fluidiser » l’écoulement de billes. Si on libère des billes sur une pente relativement faible, les grains ralentissent rapidement puis s’arrêtent formant un tas de sable. Ici, le réservoir et la rampe inclinée sont équipés de plaques microporeuses permettant de laisser passer un flux d’air contrôlé. En traversant l’écoulement, le flux d’air compense le poids des billes favorisant la mobilité de l’écoulement, comme dans le cas des écoulements pyroclastiques naturels.

Écoulement de billes avec un flux d’air (représenté par les flèches) entrant dans l’eau, à cinq instants différents, après l’ouverture du réservoir.
Alexis Bougouin, Université Clermont Auvergne

Nos expériences suggèrent que les écoulements pyroclastiques sont particulièrement efficaces dans la génération de tsunamis de grande amplitude avec des vagues pouvant être huit fois plus grandes que l’épaisseur de l’écoulement. L’impact de l’écoulement avec l’eau génère d’abord un jet de billes au-dessus de la surface d’eau, suivi d’une première vague de grande amplitude. Dans certains cas, des vagues de faible amplitude sont observées à l’arrière de la première vague. Les caractéristiques de la plus grande vague sont principalement contrôlées par le flux de masse et le volume de matériau entrant dans l’eau, tandis que la hauteur d’eau maximale peut être ignorée. Enfin, une observation étonnante est la propagation des billes dans l’eau sous la forme d’une avalanche sous-marine. Ces écoulements ont la particularité de se propager sur de très grandes distances causant d’importants dégâts sur les infrastructures offshore.

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L’importance de la taille des cendres dans la génération de tsunamis

La taille des billes, ou « granulométrie », peut également jouer un rôle significatif sur l’amplitude de la vague, car elle contrôle en partie la capacité de l’eau à pénétrer à travers l’écoulement. À très faible taille de billes, de l’ordre du dixième de millimètre, l’amplitude de la vague devient indépendante à la taille des billes, ce qui suggère que l’écoulement se comporte comme un milieu non poreux.

Ces résultats confirment que les écoulements pyroclastiques généralement chargés en cendres fines sont prédisposés à générer des tsunamis de grande amplitude. Une meilleure modélisation des tsunamis volcaniques nécessite de considérer la granulométrie de ces écoulements volcaniques, car celle-ci contrôle de façon significative la pénétration de l’eau au sein de l’écoulement. Cette étude expérimentale fournit une meilleure compréhension des tsunamis volcaniques générés par les écoulements pyroclastiques, et ouvre ainsi de nouvelles perspectives dans ce domaine.

Alexis Bougouin, , Université Clermont Auvergne (UCA); Olivier Roche, Chercheur en volcanologie, Université Clermont Auvergne (UCA) et Raphael Paris, Docteur en Sciences de la Terre, chercheur au CNRS, Université Clermont Auvergne (UCA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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© FlickrTaro Taylor (CC BY 2.0)

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