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Santé

#JourdApres, la tribune du Dr Vial : le rôle salutaire du médecin généraliste


Par le Dr Andrei Vial
Médecin généraliste
Président de l’Association des Médecins du Grand Dax (AMGD)


Voyage au bout d’une nuit


Puisque la pandémie de COVID-19 est considérée comme un état de guerre, sanitaire il s’entend, il est déjà légitime de discuter de cette crise avec une sémantique militaire.
Une guerre a un ennemi (un virus) et ses armées (le corps médical dans son ensemble). L’effort de guerre est général. Les économies s’arrêtent. Les victimes appartiennent aussi bien à la population civile qu’aux forces professionnelles. Les stratégies varient et les certitudes d’un jour deviennent stériles lignes Maginot le lendemain.
Aussi, le « nous sommes en guerre », point culminant du verbatim du discours du président de la République française le 16 mars 2020, prédisait les événements qui allaient secouer le monde en général, la France en particulier. Cette phrase avait le mérite de mettre le tableau en place et préparait déjà les bouleversements ultérieurs.

Évidemment, on pourrait disserter des heures sur ces derniers. Mais s’il fallait retenir une seule conséquence de ce contexte, ce serait l’humilité.
Humilité, car il est temps de ré-inscrire l’homme comme un élément, important, certes, mais point unique, dans la biodiversité universelle. L’être humain doit composer avec la nature : en la pillant, en profanant ses sanctuaires, il met en circulation des agents pathogènes.
Humilité, car un virus très contagieux, mais faiblement létal, a mis à mal l’économie internationale en quelques semaines en confinant la moitié de la population mondiale.
Humilité, car la COVID-19 se moque bien des fanfaronnades personnelles, tribales et gouvernementales.
Humilité, car le modèle occidental prônant l’accumulation de richesses, l’esprit mondial embrassant les lois de l’hyperfinance a mis genou à terre.

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Et surtout une humilité, car l’épidémie a rappelé que l’homme reste mortel.
Les progrès récents de la médecine sont devenus tels que le concept de mort était repoussé à son maximum. Nul besoin d’évoquer le transhumanisme, des pathologies infectieuses (par exemple, le VIH) et cancéreuses sont devenues en quelques décennies des maladies chroniques, car l’espérance de vie de ces affections augmente de façon exponentielle.
La pandémie a donc rappelé aux humains qu’ils étaient potentiellement mortels quels que fussent leur religion, leur race, leur âge.

Par conséquent, quand une population peut être la cible d’une maladie, l’importance des soins de santé primaires prend toute son importance. En France, ils sont représentés par les médecins généralistes et les infirmières. Leur place dans le système de soins permet de quadriller le territoire, assurant un accès aux soins au plus grand nombre.
On aurait pu imaginer leur rôle désuet quand la médecine devient de plus en plus spécialisée, technique. Déjà du fait de la prévalence des pathologies chroniques, les soins de santé primaires permettaient de les prévenir, de les accompagner.
La pandémie actuelle a montré les limites de la médecine en tant que science toute-puissante puisque aussi bien son dépistage (1) que le traitement n’en sont qu’à leurs balbutiements.

Par conséquent, le médecin généraliste, avec pour seuls instruments son stéthoscope et son esprit critique, devient le premier rempart face à la COVID-19.
C’est lui qui sera en première ligne devant le patient et qui rappellera les mesures barrières.
C’est lui qui posera le diagnostic en faisant la synthèse des arguments cliniques et paracliniques. C’est lui qui assurera le suivi du malade en discutant de son hospitalisation selon l’évolution et des comorbidités.
C’est lui qui gérera son traitement en s’appuyant sur des données de haut niveau de preuve scientifique, faisant fi des avis médiatiques.
C’est lui qui assurera la coordination des soins primaires avec les autres acteurs (notamment infirmiers).
Et ce seront lui et ses collègues qui ajusteront les données épidémiologiques, confirmant leur forte implication en santé publique (2).

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En conclusion, le médecin de famille, véritable chef d’orchestre dans les soins de santé primaires, rappelle à ceux qui en doutaient encore – ou qui l’avaient inconsciemment oublié – son indispensable importance dans cette obscurité créée par la pandémie actuelle.
Le COVID-19 n’a fait que rappeler son rôle salutaire.        

 


  1. La sensibilité des PCR COVID-19 ne dépasse pas 60 %, ce qui signifie que 40 % des patients sont faussement négatifs.
  2. Plus d’un million et demi de personnes prises en charge par leur médecin généraliste pour le COVID-19 entre le 17 mars et le 3 avril (source : MG France).

© Isabelle Louvier

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