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Santé

Faut-il boire 8 verres d’eau par jour ? Nos reins répondent « non »

 

Par Tamara Hew-Butler, Wayne State University

Avec le temps qui se réchauffe et les journées qui s’allongent, on nous rappelle l’importance de « rester hydraté » et de boire huit verres d’eau — ou environ deux litres — par jour.

Sans vouloir enlever de l’eau au moulin de qui que ce soit, la vérité, c’est que boire trop d’eau peut entraîner le décès d’une personne en bonne santé.

Je suis physiologiste de l’exercice et mes recherches portent sur l’hyperhydratation et les effets d’un excès d’eau sur l’organisme. L’équilibre hydrique — et sodique — est essentiel à la vie, mais il est extrêmement rare que des gens meurent d’avoir bu trop — ou pas assez — de liquide. Dans la plupart des cas, des processus moléculaires finement réglés prennent inconsciemment soin de notre corps.

Un jeune footballeur en train de boire de l’eau
Un joueur de football boit de l’eau pendant son entraînement. Depuis quelques années, les entraîneurs mettent l’accent sur l’hydratation. Darrin Klimek/Getty Images

L’eau qui sort, l’eau qui entre

Au printemps, plusieurs écoles, clubs sportifs ou lieux de travail lancent des « défis hydratation ». Ces défis largement commercialisés servent à cultiver à la fois la camaraderie et la saine compétition tout en inspirant les gens à boire une quantité d’eau prescrite tout au long de la journée.

L’hydratation et les « défis du gallon » confortent la croyance très répandue selon laquelle une consommation d’eau au-delà des besoins physiologiques — ou de la soif — est saine.

Mais ce n’est pas le cas. Le besoin en eau de l’organisme — apport — est principalement basé sur la quantité d’eau que l’on perd. La quantité d’eau que chaque personne doit boire dépend essentiellement de trois facteurs :

  • Le poids. Plus on est corpulent, plus on a besoin d’eau.
  • La température ambiante. Lorsqu’il fait plus chaud, on transpire et on perd de l’eau.
  • Le niveau d’activité physique. L’intensité de l’exercice augmente la perte d’eau par la transpiration.

Par conséquent, une stratégie de remplacement des liquides identique pour tous, telle que boire huit verres d’eau par jour, n’est pas appropriée.

On ne sait pas vraiment d’où vient la recommandation de boire huit verres d’eau, ou deux litres, par jour. Il est possible qu’elle provienne d’une mauvaise interprétation des recommandations formulées par la Food and Nutrition Board des États-Unis en 1945 et par l’Autorité européenne de sécurité des aliments en 2017, où la quantité d’eau préconisée quotidiennement comprend toutes les boissons ainsi que la teneur en eau des aliments.

Cela signifie que le liquide contenu dans des aliments comme les fruits frais, les boissons gazeuses, les jus, les soupes, le lait, le café et, oui, même la bière, contribue à répondre au besoin en eau. Ces directives suggèrent également qu’en général, le besoin en eau peut être satisfait sans qu’on ait à s’efforcer de boire davantage d’eau qu’on ne le ferait naturellement.

Il est important de noter que si l’alcool a des propriétés diurétiques — l’éthanol agit directement sur les reins pour accroître la quantité d’urine produite —, les boissons caféinées, comme le thé et le café, n’augmentent pas les pertes de liquide par l’urine au-delà de ce qu’elles contiennent.

Le rein souverain

Vous vous demandez peut-être pourquoi il en est ainsi. Après tout, beaucoup de gens vous ont dit que vous deviez boire plus et toujours plus.

Parce que l’équilibre de l’eau dans le corps, ou ce que nous, les scientifiques de l’exercice, appelons l’homéostasie, est complexe, et que les mammifères survivent grâce aux ajustements constants que font leurs reins. C’est pourquoi, en matière d’hydratation, les reins font la loi.

Dans chaque rein — nous n’en avons besoin que d’un seul et en avons un de rechange, au cas où — se trouve un réseau de canaux hydriques de type aquaporine-2 (AQP-2) qui réagissent à une hormone appelée arginine vasopressine. Il s’agit de la principale hormone antidiurétique (qui favorise la rétention d’eau) de l’organisme. Elle est sécrétée par le lobe postérieur de l’hypophyse en réponse aux signaux nerveux envoyés par des capteurs cérébraux spécialisés qui détectent les changements subtils de l’équilibre hydrique. Ce sont les organes circumventriculaires.

Les reins procèdent à des ajustements moléculaires en cas de sous-hydratation ou de surhydratation en moins de 40 secondes en réponse à toute perturbation de l’équilibre hydrique.

C’est pourquoi, lorsqu’on boit plus que ce dont le corps a besoin — au-delà de la soif —, on doit rapidement uriner pour évacuer l’excès de liquide. Et si l’on oublie d’apporter sa bouteille d’eau à l’entraînement, on cesse d’uriner pour conserver l’eau du corps. Cette action rapide et coordonnée par le cerveau, les nerfs crâniens et les reins est bien plus efficace et précise que n’importe quelle application, gadget ou recommandation personnalisée.

Les animateurs de « Good Morning America » ont relevé le défi hydratation. Ces concours perpétuent l’idée qu’il est bon de boire huit verres d’eau par jour.

Y a-t-il quelque chose de bon à en tirer ?

Les données semblent indiquer que boire environ deux litres d’eau par jour réduit la formation de calculs rénaux et diminue le nombre d’infections de la vessie chez les personnes qui ont tendance à en souffrir.

Des améliorations sur les plans du teint de la peau, de la fonction rénale et de la constipation grâce à une consommation accrue d’eau ne sont pas clairement étayées par des études. Le fait de boire beaucoup d’eau n’aide pas les jeunes à perdre du poids, à moins que l’eau ne remplace des boissons plus caloriques, comme les boissons gazeuses, ou qu’elle ne permette aux gens de se sentir « pleins » avant les repas.

Boire de l’eau peut avoir un effet sur l’état mental de certaines personnes. Des études font état d’une amélioration de la performance cognitive après une hausse de la consommation d’eau, et des femmes qui souffrent d’anxiété affirment qu’une consommation compulsive d’eau les aide à se sentir mieux, probablement en raison de l’activation des circuits de la récompense qui augmentent la dopamine. De nombreux patients schizophrènes sont des buveurs d’eau compulsifs. Ils disent que des « voix » leur ordonnent de boire de l’eau et qu’en buvant, ils les font disparaître.

Il convient de noter que des études d’imagerie cérébrale confirment que boire de l’eau lorsque ce n’est pas nécessaire est désagréable et nécessite un plus grand effort musculaire que si l’on boit parce qu’on a soif. Notre cerveau tente d’empêcher une surconsommation chronique d’eau, ou polydipsie, car la « polydipsie sociale » entraîne un besoin constant d’uriner (polyurie), ce qui peut causer des modifications de la tuyauterie interne telles qu’une distension de la vessie, une dilatation de l’uretère, de l’hydronéphrose et de l’insuffisance rénale.

Alors, faut-il boire huit verres d’eau par jour ? À moins que vous n’ayez soif, augmenter votre consommation d’eau n’offrira probablement pas d’avantages pour la santé, mais ne sera sans doute pas dangereux non plus. Cependant, si les reins pouvaient parler, ils diraient que les « défis hydratation » ne sont rien d’autre que des concours de pipi très commercialisés.The Conversation

Tamara Hew-Butler, Associate Professor of Exercise and Sports Science, Wayne State University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

©rédits photo à la une : Viacheslav Iakobchuk/Adobe Stock

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